Bon. Vous savez que j’ai tendance à casser le suspens assez vite. Nous allons voir quels sont les paramètres à prendre en compte et surtout comment les intégrer pour faire votre calcul et votre choix !

Tout d’abord, ma question est mal posée. "Vaut-il mieux acheter ou louer ?" serait la bonne question. Cette tournure permet de faire ressortir la notion de valeur et de non de devoir (« faut »). Et à partir de là, tout change. Lorsque vous incluez la notion de valeur dans la question votre esprit s’ouvre à tous les paramètres à prendre en compte pour prendre votre décision. La valeur, aussi bien générée ou transmise en tant que médecin ou investisseur est un concept capital. Il n’existe cependant aucune réponse ferme et définitive à cette question. Tout dépend à la fois de votre situation personnelle et du marché immobilier local. Essayons de voir.

Le marché immobilier local = le prix d’achat (hors frais). Oui. Une analyse de 2014 du New York Times révèle que dans les endroits les plus chers du pays, dont New York, la baie de San Francisco et Los Angeles, acheter à nouveau ressemble à un investissement périlleux, basé sur la relation entre le prix, les charges d’achat et d’entretien et les loyers ou les revenus. Et dans une liste plus longue de régions, y compris Boston, Miami et Washington, les prix ont suffisamment augmenté pour que l'achat ne soit plus l'affaire qu'il semblait être il y a quelques années. Cette analyse est toujours plus que jamais d’actualité et s’applique très bien à de nombreuses villes de France.

La durée estimée dans le logement. Plus vous prévoyez de rester longtemps, plus l’achat tend à être une meilleure option car les frais d’acquisition seront amortis sur plusieurs années.

L’utilisation d’un crédit. Si vous demandez un crédit (en aparté : il a toujours été conseillé d’utiliser un levier pour sa résidence principale et d’allouer votre argent dans d’autres investissements ne serait-ce que pour diversifier votre exposition patrimoniale, sans parler de rendement des autres classes d’actifs. C’est une décision sensé), le taux (assurance emprunteur compris), la durée et le montant de l’apport sont déterminants dans la décision. Comme dit ci-dessus, il a toujours été conseillé d’utiliser un levier. À la vue du contexte actuel, des taux d’emprunt et du rendement des autres classes d’actifs, il est conseillé de mettre le moins d’apport possible hormis si vous voulez avoir un impact mineur sur votre taux d’endettement pour par exemple réaliser d’autres projets personnels ou professionnels.

Le futur, l’inflation (oui+++) et la performance des autres classes d’actifs (la Bourse). Difficile à estimer mais avec le prix d’achat, c’est LE paramètre LE PLUS IMPORTANT de votre décision.

De combien mon bien va s’apprécier tous les ans ? Pour ce point, vous pouvez utiliser les estimations de meilleurs agents ou de se loger pour estimer.

De combien le loyer risque d’augmenter tous les ans ? Pour ce dernier point, en France nous sommes assez bien protégés : le loyer ne peut augmenter plus que l’indice Insee comme mentionné dans votre bail, à l’exception de grosses améliorations faites par le propriétaire dans votre logement.

Quel est le taux d’inflation ? Oui, plus l’inflation sera importante plus vos charges annuelles de propriétaire vont augmenter. Toutes les taxes et les services sont par ailleurs liés à l’inflation.

Quel sera le taux de retour de la Bourse ? Difficile à dire mais sur des modèles simples et communs que nous vous expliquons ici, historiquement, cela rapporte 8% par an dans le pire des scénarios. Vous pouvez donc considérer 8% par an.

Les coûts d’achats : frais de notaire, frais d’agence, frais de chasse, frais de banque, d’architecte, d’inspection etc...

Les taxes. La taxe foncière et son évolution prévue dans les années à venir (cf. ci-dessus).§

Les coûts d’entretien et frais liés à la propriété : travaux ; rénovation / amélioration durant la vie du bien, assurance habitation…

Les coûts de VENTE. Oui ! On les oublie trop souvent mais lorsque vous allez revendre votre bien des coûts sont bien présents ! Frais de diagnostics, frais de ménage, frais d’agence…

Frais liés à la location : loyer, montant du dépôt de garantie, assurance habitation, frais d’entrée dans le logement…


Le tour des facteurs ayant été fait, comment les intégrer entre eux ? Et bien… il existe des outils ! Vous avez, ce qui est pour moi le meilleur comparateur d’achat versus location qui existe. Il s’agit du calculateur du New York Times. Le calculateur tient un compte courant des dépenses les plus courantes à l’achat et à la location. Il prend également en compte ce que l'on appelle le coût d'opportunité, par exemple, le rendement que vous auriez pu gagner en investissant votre argent (en Bourse) au lieu de le dépenser en acompte, en frais. Ou encore, le rendement que vous auriez pu gagner en investissant l’argent qu’il vous reste en plus tous les mois en étant locataire par rapport au fait d’être propriétaire, si c’est le cas. Le calculateur suppose que le profit que vous auriez réalisé sur vos investissements serait imposé en tant que gains en capital à long terme et ajuste le résultat net en conséquence. Aux USA les impôts sur les plus-values long terme sont de 0-15-20 % selon vos revenus imposables. Je vous conseille de mettre 0 comme tranche / revenu imposable et d’y retrier 30% flat tax pour simuler une imposition France. Si vous voulez être juste, il faudrait en fait retirer 17.2% d’impôts sur les plus-values issues des 150 000 premiers euros de placement (ou 300 000 € pour un couple, 150k € par personne) si on considère que vous versez d’abord l’argent dans un PEA (fiscalité du PEA) et 30% pour le reste au-delà du plafond. Le calculateur calcule les coûts d'opportunité pour toutes les parties des situations d'achat et de location.  Autre point important, la conclusion du calculateur n’est pas « il vaut mieux acheter ou louer » mais est bien plus fine. Elle sera du type : « Si vous pouvez louer le même type de bien pour moins de X dollars par mois, alors la location est meilleure ».

Maintenant que nous y voyons plus clair sur les facteurs financiers, n’oublions pas une chose : le facteur humain. Voici les avantages et inconvénients les plus évidents de l’achat et de la location repris du calculateur de Quentin Chichery qui est une solution alternative en Français au calculateur du New York Times mais moins complet.

Pour l’achat :  *"Ne pas jeter l'argent par les fenêtres" (constitution d'un patrimoine par remboursement tous les mois d'une partie du capital emprunté) , bien que ce point soit discutable avec ce qui est développé plus haut ; *"Se sentir chez soi" (confort, sécurité, liberté d'aménagements ...).

Contre l’achat : *Frais importants à l'achat (notaire et agence) et annuellement (taxe foncière, charges de copropriétés, travaux d'entretien ...), à corréler avec ce qui est développé en haut. *Mobilité réduite (professionnelle et/ou familiale), car vu comme plus haut le facteur temps est celui qui pèse le plus.

Pour la location : *Liberté (pouvoir changer de logement plus facilement et rapidement en cas de besoin : opportunité professionnelle et/ou changement de situation familiale) ; *Moins cher (le locataire peut épargner mensuellement la différence entre son loyer et sa mensualité en cas d'achat). Cette dernière notion dépend bien évidemment de la ville en question (cf. le premier point développé).

Contre la location : *« Le loyer est une dépense mensuelle, à fonds perdus, payée au propriétaire, donc non épargnable », encore une fois cela reste une vision de l’esprit et cela reste à pondérer avec des calculs (cf. ci-dessus) ; *Possibilités d'aménagements réduites, risque d’expulsion.


En conclusion, acheter versus louer n’arrêtera pas de créer de débats. Les facteurs sont si nombreux qu’il est difficile d’y apporter une pondération rationnelle. Néanmoins, en vous proposant cette vision des choses, centrée sur la valeur je pense que vous pourrez prendre une décision plus informée et éclairée. Tiens, ça me rappelle quelque chose…