Bon.
Il fallait bien que je fasse cet article un jour.
Loin de moi l'idée d'attaquer en frontal l'investissement locatif ni de jeter la pierre à ceux qui en font. J'en ai moi-même beaucoup fait (et cela s'est très bien passé). L'idée de cet article est de réfléchir autrement à ce que pourrait apporter l'immobilier locatif et quel est froidement sa performance vis à vis d'investissements purement financiers, comme la Bourse. L'idée étant aussi d'adopter un prisme de vu différent et peut-être des voir des choses que nous n'avions pas vu.
Lorsqu’on passe du temps avec des professionnels à succès, un sujet revient sans cesse : l’immobilier.
Encore et encore. En particulier l’investissement locatif.
Cela paraît solide. Familier. Facile à comprendre.
Et pour certains, l’aventure a été très rentable. Mais cela ne signifie pas que ce soit forcément le bon véhicule pour l’avenir de chacun.
Soyons honnêtes : il est facile de comprendre pourquoi le locatif a longtemps été le réflexe naturel. On entend souvent les mêmes histoires de réussite, rarement les contreparties, les ennuis de gestion, la charge mentale, ou les pertes.
Il y a aussi le confort du concret.
Une maison, on peut la voir. On peut la toucher. On peut imaginer qu’elle verse un loyer chaque mois.
Bien plus difficile de ressentir la même chose avec un fonds d’actions mondiales (ou un ETF monde).
Et puis, contracter une dette importante pour acheter un bien ne semble pas si risqué. Beaucoup ont déjà une hypothèque sur leur résidence principale. Cela paraît normal. Gérable. Presque rassurant.
Mais sous la surface, les chiffres ne racontent pas toujours l’histoire que l’on croit.
Immobilier ou portefeuille financier ?
Nombreux sont ceux qui affirment : « Pour ma retraite je suis tranquille, j’ai de l’immobilier. » À première vue, cela sonne bien. Mais c'est trompeux.
Il est vrai que la finance, les fonds de pensions, les actions, les ETF,... ont souffert d’une image écornée, notamment à cause de crises, de scandales, de mauvaises commercialisations (je parle des frais ahurissants de certains produits ou contrats encore en vente via votre banque ou des conseillers en gestion de patrimoine non indépendants). Des phrases comme « les actions ne valent rien » ou « cela ne marche pas » ou « c'est trop risqué» circulent encore. Pourtant ce sont des idées reçues.
Car dans un portefeuille financier, ce qui compte, c’est ce que l’on y place. Un portefeuille bien investi (diversifié à l’échelle mondiale), à bas coûts, et sur le long terme, donne accès à des milliers d’entreprises dans des dizaines de pays.
Et les chiffres sont parlants : sur les vingt dernières années, les marchés actions globaux ont rapporté en moyenne autour de 10 % par an. Ce qui équivaut, selon la fameuse règle du 72, à un doublement du capital tous les 7 ans, puis un quadruplement en 14 ans. Sur les 60 dernières années c'est la même chose. Et sur les 156 dernières années (extrapolations), je vous le donne en 1000... C'est la même chose.
Pas mal, non ?
Étonnant peut-être, mais bien réel. Et cela malgré plusieurs crises majeures.
Comparaison Bourse vs Immobilier : ce que disent les données récentes
Selon une étude de l’IEIF couvrant 40 ans (1983–2023), les actions ont affiché une performance annualisée moyenne de 10,4 %, contre 8 à 10 % pour l’immobilier (SCPI, OPCI, etc.).

Sur 30 ans, le logement a été particulièrement performant (9,3 %) surpassant les actions (7,7 %), l’or (5,4 %), l’assurance‑vie (4,2 %) et le Livret A (2,4 %). En revanche, sur les 15 dernières années, la bourse surpasse nettement, tandis que l’immobilier coté affiche des performances négatives.
Une autre comparaison parle également clairement : entre 2019 et 2024, les actifs immobiliers ont affiché des rendements très hétérogènes, avec une perte allant jusqu’à ‑7,3 % pour certaines catégories, tandis que l’immobilier industriel (logistique, bureaux) a progressé d’environ +6,2 %.
Au fil des décennies, l’immobilier direct a de son côté généré des rendements compris entre 4,5 % et 5,5 % sur 15 ans, et entre 7,5 % et 10 % sur 40 ans — les biens parisiens dépassant même 10 % annuels.
En synthèse, les actions restent les championnes sur le très long terme, mais certains segments immobiliers, notamment logistiques ou bureaux, peuvent surperformer à moyen terme. Et l’immobilier résidentiel ne garantit pas systématiquement la rentabilité.
Immobilier locatif : un simple cran au-dessus du livret A ?
Pour certains, le locatif est une alternative séduisante face à des taux d’épargne faméliques et une inflation qui ronge la trésorerie.
Mais passer du cash à l’immobilier n’est pas un petit pas. C’est un bond d’un bout à l’autre du spectre du risque.
Surtout avec un crédit.
Car acheter pour louer, ce n’est pas seulement investir : c’est démarrer une entreprise. Une entreprise à effet de levier, qui demande du suivi administratif, fiscal et opérationnel. Comme toute activité, elle comporte des risques.
Cela peut fonctionner. Mais si l’on se lance uniquement avec un rendement brut théorique, une dose d’optimisme et beaucoup de dettes, ce n’est pas un investissement. C’est de la spéculation.
Le double tranchant de l’effet de levier.
Prenons un exemple simple : un appartement de 200 000 €, financé avec 20 000 € d’apport et 180 000 € de crédit.
Si le marché grimpe de 20 %, le gain est de 40 000 €, soit 100 % du capital de départ. Vous avez fait x2.
Mais si le marché baisse de 20 % ? C’est 40 000 € de pertes. Oui, autrement dit, vous avez perdu plus que votre apport. Et cette situation peut arriver bien plus vite que vous ne l'imaginez. Car là, nous parlons d'une baisse de marché de 20%. Imaginons désormais que le marché est stable mais que vous ayez de gros travaux imprévus. Une façade à refaire : coût pour vous, partagé entre tous les co-propriétaires (soyons gentils), 10 000 €. Si vous n'aviez pas acheté, vous n'auriez pas eu ces 10 000€ de dépenses inopinées qui représentent 5% du prix du bien mais 50% de votre apport (perte de 50%). Si vous aviez acheté cash sans crédit, cela aurait entrainer une dépense (perte de 5%). L'effet de levier est bien dans les deux sens, à la hausse si le marché augmente et à la baisse en cas de : baisse de marché, travaux imprévus, loyers impayés etc... Tout ce qui entraine une entrée d'argent (le cash flow positif) est amplifié (vous n'auriez jamais eu ce cash flow sans investir) mais tout ce qui entraine une sortie d'argent est aussi amplifié.
Et au niveau du marché, cela n’a rien de théorique : les prix immobiliers en France dans les années 90 ont chuté drastiquement (41% entre 1991 et 1996 pour Paris). De nombreux investisseurs très endettés s’y sont brûlé les ailes et ont fait faillite.
Derrière le rendement brut : la réalité du net
En 2025, le rendement locatif brut moyen en France tourne autour de 5.9 %. Cela semble attrayant (ou pas...).
Mais entre droits de mutation, frais de notaire, travaux, ameublement, contrôles… les coûts de départ sont lourds.
Puis viennent les frais récurrents : assurances, charges de copropriété, entretien, honoraires d’agence (10 à 15 %), sans oublier les imprévus : chaudières en panne, toitures qui fuient, cuisines vieillissantes, loyers impayés.
À cela s’ajoutent les périodes de vacances locatives, les intérêts d’emprunt (actuellement autour de 3,2-3,5 % sur 20 ans) et bien sûr, l’impôt (personnel ou sur les sociétés) et la taxe foncière.
Les propriétaires expérimentés recommandent de prévoir 30 à 35 % du revenu brut rien que pour les charges courantes – avant même crédit et fiscalité.
Au final, le rendement net, sans emprunt, tourne souvent autour de 3 %. Avec crédit, il peut tomber encore plus bas. Et si les taux d’intérêt montent, le rendement s’évapore... rapidement.
Tous ces paramètres sont repris dans notre article ici.
Et si les prix cessent de grimper ?
Beaucoup comptent sur l’appréciation des prix pour « faire marcher les chiffres ». Car les loyers, une fois déduits les charges, ne suffisent souvent pas à justifier l’investissement.
Mais l’immobilier n’a aucune garantie de hausse. Et lorsque ça baisse, les investisseurs à crédit sont les plus exposés.
Dans les années 1990, de nombreux propriétaires devaient même compléter de leur poche chaque mois pour rembourser leur prêt. Beaucoup ont fini par revendre à perte.
Il a fallu entre 5 à 10 ans, après le creux de 1993, pour que les prix retrouvent leur niveau précédent, sans même parler de l’inflation. A Paris, il a fallu 14 ans.
Ce qu’il faut vraiment comparer :
Au fond, la vraie question est : quel rendement total sur le capital ? C’est-à-dire rendement locatif plus croissance du prix.
Un bien locatif pourrait générer, après impôts et toutes charges, 2 % de rendement net et espérer 3-4 % de croissance du capital.
Un portefeuille global d’actions et d’obligations sans même être logé obligatoirement dans une enveloppe fiscalement avantageuse (PEA, Assurance vie) avec des frais inférieurs à 1 % peut délivrer un rendement au moins égal mais surtout bien supérieur. Avec moins de tracas, moins de concentration du risque et surtout une gestion passive.
À cela s’ajoute un avantage considérable : la fiscalité. L'immobilier est la classe d'actif la plus taxée en France (et pas que). A contrario, les gains issus des capitaux mobiliers le sont en France, à ce jour, à 30% flat tax pour les plus values. Cela semble beaucoup, mais c'est bien moindre que l'immobilier (toutes taxes comprises) sans parler d'une taxation réduite à 17,2% uniquement (prélèvements sociaux) en PEA (Plan Epargne Action).
Diversification, liquidité et temps.
Un bien locatif reste concentré :
-C'est un seul bien (même si c'est un immeuble de rapport avec plusieurs appartements),
-dans une seule ville,
-dans un seul marché.
À l’inverse, un portefeuille diversifié possède des milliers d’entreprises, dans des secteurs et régions multiples. Si l’une tombe, les autres poursuivent.
Il offre aussi de la liquidité, de la simplicité, et surtout… du temps en plus.
On peut toujours gagner plus d’argent.
On ne peut pas gagner plus de temps.
Un patrimoine diversifié : et l’immobilier dans tout ça ?
Il est essentiel de rappeler qu’un patrimoine bien équilibré n’exclut pas l’immobilier. Au contraire.
Pour rappel, selon les données de l’Insee issues de l’enquête Histoire de vie et Patrimoine (2020-2021), chez les 1 % des ménages les plus fortunés, l’immobilier représente environ 36 % du patrimoine, aux côtés d’actifs financiers (27 %) et professionnels (34 %).
Mais il ne s’agit pas toujours d’immobilier résidentiel locatif. Une grande part est constituée d’immobilier commercial, de bureaux ou encore d’entrepôts logistiques. Autant de supports patrimoniaux plus institutionnels ou professionnels, souvent intégrés dans des stratégies de diversification à grande échelle. Et le meilleur outils à notre échelle pour réaliser ceci reste les SCPI. Sachez aussi, par exemple, aux USA, que les investisseurs immobiliers particuliers ont plus d'appétence pour l'immobilier coté en Bourse ou l'équivalent des SCPI que pour faire de l'investissement locatif pur. Tout n'est qu'une question de risque, concept bien mieux enseigné outre atlantique.
Conclusion
L’investissement locatif a bien fonctionné pour certains, notamment ceux qui ont acheté il y a plusieurs décennies, à faible coût et avec un marché en forte hausse. (Pour information, dans les années 80 le taux de retour moyen des SCPI était de... 11,7% environ, Aujourd'hui il n'est que de 4,7%. Je pourrais en parler des heures car il s'agit d'un des indicateurs de l'évolution de notre économie et du temps qu'il faut aujourd'hui pour doubler notre niveau de vie... En 40 ans cela a drastiquement changé : il fallait 15-20 ans depuis les années 1950 pour doubler son niveau de vie. Il faut désormais en moyenne plus de 70 ans... La source mise n'en est qu'une parmi d'autres. Je me souviens d'une intervention de Bruno Lemaire (ancien ministre de l'économie) en 2024 lors de la promotion de son livre sur BFM TV, dresser un constat alarmant : comment donner l'envie de faire travailler les jeunes alors que le travail ne permet plus l'augmentation significative du niveau de vie. Dans ses conclusions, il fallait aujourd'hui plus de 70 ans pour doubler son niveau de vie contre 15-20 ans dans les années 70-80).
Aujourd’hui, le contexte est différent. Les rendements sont plus serrés, les coûts plus lourds et les risques bien présents.
Ce n’est pas une mauvaise idée. Mais ce n’est certainement pas une solution garantie, encore moins passive.
Bien géré, avec une vision claire et des réserves, cela peut constituer une entreprise solide.
Mais pour la majorité, un portefeuille diversifié, à bas coûts, offre de meilleurs rendements ajustés au risque (on pourrait aussi en parler des heures, le risque, sa définition et sa perception souvent biaisé par nos propres croyances son des sujets passionnants), davantage de flexibilité et beaucoup moins de soucis.
Et surtout, il libère du temps pour se concentrer sur ce qui compte vraiment.
Parce que la richesse ne devrait pas seulement permettre d’accumuler plus d’argent. Elle devrait, avant tout, offrir plus de vie.